Article original
Enfant présentant une allergie alimentaire en crèche : quelle est la place du Projet d’Accueil Individualisé ? Quels ressentis pour le personnel ?Child with a food allergy in nursery: What is the place of the Individualized Welcome Project? What feelings for the staff?

https://doi.org/10.1016/j.reval.2024.104138Get rights and content

Résumé

Contexte

La crèche accueille des enfants de quelques mois jusqu’à l’âge de 3 ans, tranche d’âge où l’on observe une recrudescence de cas d’anaphylaxie en lien avec des allergies alimentaires (AA).

Objectifs

Dresser un état des lieux des formations et connaissances du personnel en ce qui concernent les AA. Observer l’organisation du Projet d’accueil individualisé (PAI) dans la crèche. Faire un bilan sur les ressentis et éventuelles appréhensions des professionnels à travailler au quotidien avec un enfant ayant une/des AA.

Méthodes

Enquête réalisée en 2023 interrogeant 50 personnels qui exercent dans différentes structures d’accueil de jeunes enfants.

Résultats

Soixante-quatorze pour cent des participants ont eu une formation initiale sur les AA, 64 % n’ont pas eu de formation sur les AA depuis leur prise de poste en crèche et 66 % n’ont jamais manipulé d’auto-injecteur d’adrénaline (AIA). Vingt et un pour cent des structures possèdent une armoire à pharmacie interne pour prendre en charge une réaction inaugurale d’AA et 14 % sont dotées d’AIA (stock interne ne prenant pas en compte l’AIA d’éventuels PAI). Soixante-huit pour cent des participants savent qu’ils sont autorisés à appliquer eux-mêmes le PAI en situation d’urgence dans la crèche, en lien avec la circulaire ministérielle de 2021. Soixante-six pour cent des personnels sont à l’aise dans l’accueil au quotidien de l’enfant présentant une/des AA, 38 % le sont avec la manipulation de l’AIA.

Conclusion

Au vu de la fréquence en augmentation des AA chez le petit enfant, il est nécessaire que les professionnels de la petite enfance soient mieux formés et informés au cours de leurs études et au sein de la crèche, notamment sur l’administration d’AIA. Il est souhaitable qu’une pharmacie interne soit dotée d’AIA pour la prise en charge d’ AA inaugurale.

Abstract

Context

The nursery welcomes children from a few months to the age of 3 years, age range where there is an increase in cases of anaphylaxis related to food allergies (FA).

Objectives

To draw up an inventory of the training and knowledge of staff with regard to FA. Observe the organization of the Individualized Reception Project (IRP) in the nursery. Take stock of the feelings and possible apprehensions of professionals to work on a daily basis with a child with FA.

Methods

Survey conducted in 2023 with 50 staff working in different childcare facilities.

Results

Seventy-four per cent had initial training on FA, 64% had no training on FA since taking a position in nursery and 66% never handled an adrenaline auto-injector (AAI). Twenty-one per cent of the structures have an internal medicine cabinet to support an inaugural reaction of FA and 14% are equipped with AAI (internal stock not taking into account the AAI of possible IRP). Sixty-eight per cent know that they are allowed to apply the IRP themselves in emergency situations in the nursery, in connection with the ministerial circular of 2021. Sixty-six per cent are comfortable in the daily reception of the child with FA, 38% are comfortable with the handling of the AAI.

Conclusion

Given the increasing frequency of FA in small children, it is necessary for early childhood professionals to be better trained and informed during their studies and in the nursery, especially on the administration of AAI. It is desirable that an in-house pharmacy be equipped with AAI for the management of inaugural FA.

Introduction

L’incidence des allergies alimentaires (AA) est en constante augmentation depuis ces vingt dernières années dans de nombreux pays [1]. Parallèlement, l’incidence de l’anaphylaxie augmente plus vite chez l’enfant, notamment avant l’âge de cinq ans (entre 3 à 5 fois plus vite par rapport aux autres tranches d’âge selon les études) [2]. Le réseau d’Allergo-Vigilance montre que 72 % des décès secondaires à une AA concernent les enfants [3].
L’allergie aux protéines du lait de vache (APLV) est fréquente chez l’enfant de moins de 3 ans. Sa prévalence varie entre 0,5 et 5 % selon les critères diagnostiques utilisés. La prévalence de l’APLV IgE-médiée est raisonnablement estimée chez l’enfant entre 0,5 et 2 % selon les pays [4]. En France, selon les données de la cohorte Elfe, elle était de 3,4 % en 2022, un chiffre qui peut être soumis à des biais, car issu des réponses à un questionnaire. Elle est, avec l’arachide et les fruits à coque, la principale allergie alimentaire responsable d’anaphylaxie chez l’enfant [5].
Selon une étude de 2022 réalisée en Europe, 10 à 20 % des cas pédiatriques d’anaphylaxie alimentaire surviennent en milieu scolaire [6], entraînant une augmentation du nombre de projets d’accueil individualisé (PAI) et protocoles de soins d’urgence pour AA depuis plus de dix ans (actuellement 50 000 PAI par an sont rédigés pour allergie en France) [5].
Le projet de soins personnalisés a été introduit dans la législation nationale en 2003 et a été mis à jour avec la circulaire ministérielle du 10 février 2021 afin d’harmoniser les PAI et plan d’action d’urgence au niveau national. Le PAI permet d’identifier un enfant à risque et précise les modalités d’organisation de la vie quotidienne sur le lieu d’accueil de l’enfant et les adaptations si nécessaires (maniement de la trousse d’urgence avec auto-injecteur d’adrénaline [AIA] si un risque est avéré).
Les critères de mise en place du PAI pour les AA et les indications pour la prescription des trousses d’urgence avec un AIA sont consensuels avec la mise à jour des recommandations françaises sous l’égide de la Société française d’allergologie, en adéquation avec les recommandations européennes [7].
On note par ailleurs que même si l’usage de l’AIA s’est simplifié avec un stylo sécurisé et ergonomique permettant l’injection par tous, y compris par des non-soignants, l’adrénaline reste sous-utilisée [8].
D’autre part, l’anaphylaxie est inaugurale de l’AA pour 30 à 60 % des cas [2], il faut pouvoir réagir très rapidement et avoir accès à un matériel d’urgence, en attendant l’intervention du Service d’aide médicale urgente (SAMU).
Actuellement, 437 000 enfants sont accueillis en crèche en France [9]. La crèche est le terme générique utilisé ici pour désigner les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) : crèches collectives, familiales, parentales ou privées.
Depuis l’article L. 214-1-1 du Code d’action sociale et des familles du 19 mai 2021 relative aux services aux familles, tous les professionnels de la crèche sont autorisés à administrer les médicaments : médecin, infirmier puéricultrice, auxiliaire de puériculture, éducateur de jeunes enfants, assistant maternel, sage-femme, éducateur spécialisé, psychomotricien, assistant social… Un travail de coopération, d’information, de formation et d’évaluation doit être régulièrement mis en place afin de répondre au mieux à cette responsabilité.
Les objectifs de ce travail sont de dresser un état des lieux des formations et connaissances du personnel de crèche en ce qui concernent les AA, d’observer l’organisation du PAI au sein de la crèche et de faire un bilan sur les ressentis et éventuelles appréhensions des professionnels à travailler au quotidien avec un enfant ayant une ou plusieurs AA.

Section snippets

Matériel et méthodes

Il s’agit d’une enquête menée entre février et juin 2023 auprès de professionnels exerçant dans différents types de crèche qui pouvaient interagir avec l’enfant pendant le temps du repas, ou lors de la mise en place du PAI, de la gestion des formations et des conduites à tenir lors d’accidents allergiques.
Initialement les professionnels d’un seul secteur, en Île-de-France, ont été interviewés mais devant les difficultés rencontrées (peu de disponibilité, crainte de la désorganisation de

Description de la population de l’étude

Finalement, 44 crèches ont été incluses dans l’enquête, auprès de 50 professionnels de la petite enfance : 20 agents ont été interrogés en présentiel et 30 en entretien téléphonique.
Quatre-vingt-dix-huit pour cent des participants (n = 49) étaient des femmes. Vingt pour cent (n = 10) avaient moins de 30 ans, 26 % (n = 13) entre 30 et 40 ans, 30 % (n = 15) entre 40 et 50 ans, 20 % (n = 10) entre 50 et 60 ans et 4 % (n = 2) plus de 60 ans. Soit une moyenne d’âge de 41,7 années.
En ce qui concerne la

Discussion

Cette étude menée en milieu préscolaire objective des données en partie nouvelles. La population interrogée est hétérogène en termes de qualification, type de structure, localisation, âge et nombre d’années d’expérience auprès des enfants.

Conclusion

Ce travail a pu montrer un niveau de formation hétérogène au sein des crèches et une certaine appréhension du personnel dans la manipulation du AIA. Les formations et travaux pratiques semblent indispensables pour améliorer les bonnes pratiques et garantir ainsi à l’enfant et à sa famille, une sérénité sur le temps de présence de l’enfant en crèche.
Il serait nécessaire de pouvoir doter chaque établissement du premier cycle (maternelle, primaire) mais aussi tous les autres établissements qui

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteure déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

L’auteur remercie les professionnels de la petite enfance qui ont accepté de répondre au questionnaire, Pr Ralph Epaud 1,2,3, Dr Céline Delestrain 1,2,3, Dr Maria-Chiara Leoni 1,2.
1 : Pediatric Department, Centre Hospitalier intercommunal de Créteil, Créteil, France.
2 : Reference Centre for Rare Lung Diseases (RESPIRARE®), CRCM, Créteil, France.
3 : University Paris Est Créteil, Inserm, IMRB, Créteil, France.

Cited by (0)

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